Vœux d’indépendance d’Haïti et du nouvel an
HAITI LIBRE – 31/12/2010 05:43:45
Hillary Rodham Clinton
Secrétaire d’État
Washington, DC
30 décembre 2010
Au nom du Président Obama et du peuple des États-Unis, je me joins à la population de la République d’Haïti pour honorer le 207e anniversaire de votre indépendance ce 1er Janvier.
Quand Haïti a casser les liens de l’esclavage et a déclaré son indépendance de la France en 1804, il a écrit l’histoire, créant un précédent pour l’indépendance en Amérique latine et créant la première nation post-coloniale dirigé par des noirs dans le monde. Aujourd’hui, nous voyons le courage de cette lutte, du leadership de Jean-Jacques Dessalines et Toussaint Louverture à la force et l’unité du peuple haïtien – qui se reflète dans la réponse d’Haïti au séisme dévastateur du 12 Janvier 2010. Dans le sillage d’une catastrophe qui a coûté la vie à plus de 200,000 personnes, les Haïtiens et les bénévoles de plus de 140 nations se sont réunies pendant la nuit pour retirer les survivants des décombres et administrer des soins intensifs et d’assistance. J’ai été témoin de notre humanité commune dans les premiers jours, immédiatement après le tremblement de terre, et je l’ai vu se développer tout au long de l’année, pendant que les pays du monde entier continuaient d’aider Haïti à se récupérer et se reconstruire.
En dépit de tout ce que Haïti a subi, les haïtiens ont montré une résistance sans faille, la volonté et la passion pour aller de l’avant et construire une nation plus prospère. Le peuple et le Gouvernement des États-Unis se tiennent fermement avec la population d’Haïti, et nous nous sommes engagés à aider à faire en sorte que votre voix détermine la voie à suivre pour votre pays et le gouvernement. Nous allons continuer d’approfondir le partenariat et l’amitié entre nos deux pays pour parvenir à un avenir meilleur pour nos peuples.
Je souhaite à tous les haïtiens un joyeux Jour de l’Indépendance et du Nouvel An. Je suis impatiente de travailler avec vous pour faire de 2011 une année remplie de Paix et de progrès.
Vœux de l’Ambassadeur des États-Unis au peuple haïtien
HAITI LIBRE – 31/12/2010 07:47:59
Kenneth H. Merten
Le 30 décembre 2010
L’année 2010 touche à sa fin. Je voudrais exprimer au peuple haïtien mes meilleurs vœux pour une meilleure année. Cette année a été pénible de l’histoire d’Haïti, avec l’épreuve du tremblement de terre du 12 janvier, les nombreuses inondations, et la brusque apparition du choléra.
Vous avez surmonté ces difficultés avec dignité et courage et je suis persuadé qu’avec votre détermination, l’année 2011 sera meilleure en dépit des immenses défis qui persistent. Ce beau pays est resté sous des nuages trop longtemps. Mon souhait pour 2011, c’est que Haïti puisse démarrer et retrouver pleinement sa place dans la région et dans le monde
Je fais appel à tous les leaders haïtiens, amoureux de leur patrie, qu’ils soient dans le secteur politique, privé, social, ou religieux, pour leur demander de renouveler leur engagement à une politique qui priorisera les intérêts communs.
Au lendemain du tremblement de terre, la communauté internationale s’est engagée à investir dans un avenir meilleur pour le peuple haïtien, pour la création de plus d’emplois et pour permettre aux Haïtiens de mieux réaliser leurs rêves. Je suis convaincu que les leaders économiques et politiques haïtiens feront de leur mieux pour saisir cette occasion pour favoriser un climat d’investissement privé et de création d’emplois. Que l’année 2011 soit réellement une année de croissance économique et d’une meilleure reconstruction pour Haïti.
Mon pays, les États-Unis, souhaite également qu’un nouveau Président et un Parlement soient élus démocratiquement conformément à la volonté que le peuple haïtien a exprimée à travers son vote.
Chacun de nous doit apporter sa contribution pour une bonne année 2011. Moi, et tout le personnel de l’Ambassade des États-Unis en Haïti, renouvelons notre engagement à travailler avec les Haïtiens.
Je souhaite à tous une année de paix et de prospérité. Que Dieu bénisse Haïti, qu’il bénisse les États-Unis et que l’amitié entre nos deux pays soit éternelle.
Meilleurs Vœux pour 2011
La Société Civile propose une sortie de crise
HAITI LIBRE – 31/12/2010 07:07:52
Après plusieurs échanges, les organisations signataires de la présente, dans le souci d’apporter leur contribution à la résolution de la crise électorale, prennent la liberté de faire les considérations et propositions suivantes.
1. Les irrégularités, les fraudes systémiques en faveur d’une formation politique et les actes de violence qui ont entaché le scrutin du 28 novembre ont aggravé la situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd’hui la nation haïtienne. On ne pourra sortir de cette crise électorale, si la lumière n’est pas faite sur ce qui s’est véritablement passé à l’occasion de ces élections, non seulement à l’intérieur et aux abords des centres de vote mais aussi, au niveau du transfert des résultats entre les bureaux de vote, le Centre de Tabulation et le Site du CEP.
2. Une opération de vérification et d’évaluation s’avère donc indispensable. Selon le projet d’Accord entre l’OEA, le Président de la République et le CEP, dont nous avons pris connaissance, une Mission d’experts serait appelée à « réviser les pratiques, procédures et procédés appliqués lors des élections ». Il s’agirait alors d’un travail en profondeur, qui porterait non seulement sur la comparaison des données du Centre de Tabulation et des Procès-verbaux, mais aussi sur tous les documents électoraux à savoir : « listes électorales partielles, feuilles de dépouillement du scrutin/de comptage, déclarations d’irrégularités, documents d’appui de chaque bureau ». De plus, une analyse statistique serait faite des résultats pour « identifier des anomalies dans ces résultats ».
3. Une telle méthode de travail serait certes valable. Cependant, cette initiative présente quatre faiblesses majeures. D’abord, elle ne repose sur aucun fondement légal ou constitutionnel. Seul un consensus politique pourrait lui conférer une certaine légitimité. De plus, l’opération vise seulement les élections présidentielles. Or les élections législatives, qui sont tout aussi importantes, ont souffert des mêmes fraudes et nécessitent les mêmes redressements. Ensuite, la Mission OEA-CARICOM en raison de sa complaisance envers le Conseil Electoral Provisoire et le Pouvoir en place, souffre d’un grave déficit de crédibilité aux yeux du peuple haïtien. En effet, si la Mission avait respecté le premier objectif spécifique de toute Mission d’Observation de l’OEA, qui est d’«Observer la performance des principaux acteurs du processus électoral afin de vérifier leur conformité avec les lois et règlements électoraux du pays hôte » elle aurait dénoncé avec force, les graves irrégularités commises par le CEP. Par exemple : le remplacement illégal des superviseurs, la nomination arbitraire de membres de bureaux de vote, les obstacles dressés pour empêcher les mandataires d’exercer leur fonction, la délocalisation massive des électeurs, qui a privé des milliers de citoyens de l’opportunité de voter. Le CEP a dépassé toutes les limites de la décence parce qu’il était assuré de l’appui inconditionnel de la Mission OEA-CARICOM. Enfin, si le Secrétariat Général de l’OEA a consulté les Gouvernements du Canada, de la France et des Etats Unis d’Amérique pour composer cette Mission d’experts, il n’a pas fait appel à la partie haïtienne. Des experts haïtiens, connaissant le système électoral haïtien et jouissant de la confiance de la population et des candidats aux différentes fonctions électives auraient pu renforcer l’efficacité et la crédibilité d’une telle opération. Car après tout, il s’agit d’élections haïtiennes qui constituent l’affaire d’abord des Haïtiens.
4. Une bonne vérification-évaluation du processus électoral menée par des experts nationaux et internationaux, acceptés par les différents protagonistes, permettrait de rétablir la vérité et de fixer les responsabilités. La connaissance exacte des faits et des données, aiderait également à prendre une décision rationnelle, juste et responsable par rapport au scrutin du 28 novembre.
5. Pour être viable et opérationnelle, toute solution doit faire l’objet d’un consensus entre les différents acteurs impliqués dans le processus : partis politiques, candidats, représentants de l’Exécutif, du CEP, de la société civile au sens large, de la communauté internationale. L’Initiative d’une concertation dans ce sens devrait être prise.
6. Par ailleurs, les organisations signataires de la présente recommandent fermement au Président de la République de respecter scrupuleusement les prescrits de la Constitution, qui, dans son article 134.1, fixe la fin du mandat présidentiel au 7 février de la 5ème année de son mandat. Toute prolongation serait non seulement contraire à la Constitution mais aussi préjudiciable pour la paix sociale, la stabilité du pays et la tenue de bonnes élections. L’histoire récente du pays a montré que la présence d’un Juge de la Cour de Cassation à la tête du pays pour organiser les élections, représente une garantie pour la réalisation d’un scrutin acceptable. Ceci a été le cas pour Mes Ertha Pascal Trouillot et Boniface Alexandre.
7. De la fin du mois de décembre au 7 février, on pourrait mener l’opération de vérification-évaluation, identifier les mesures correctives à prendre, y compris les changements indispensables au niveau du Conseil Electoral, qui aujourd’hui a perdu toute crédibilité.
Signataires :
Initiative de la Société Civile (ISC) : Rosny Desroches
Conseil Haïtien des Acteurs Non Etatiques (CONHANE) : Edouard Paultre Initiative Citoyenne (IC) : Jean Garry Denis
Centre Œcuménique des Droits de l’Homme (CEDH) : Jean-Claude Bajeux
Office de Concertation pour le Développement (OCODE) : Dominique Joseph
Action Citoyenne : Bellegarde Berthony
Centre pour la Promotion des Droits Humains et de la Démocratie en Haiti (CEPRODHD) : Jn Gardy Théodore
Barreau de Port-au-Prince : Kedler Augustin
73 des 75 Haïtiens arrivés à Paris sans visa ont été remis en liberté
AFP – 31/12/10
BOBIGNY — Soixante-treize des soixante-quinze Haïtiens, arrivés en deux vagues les 23 et 26 décembre à Paris sans visa et placés en zone d’attente, ont été libérés jeudi par les juges et peuvent désormais entamer des démarches afin de pouvoir rester en France.
Outre ces 73 personnes remises en liberté, une jeune mineure a été placée en foyer d’accueil tandis qu’une autre est retournée en zone d’attente le temps que son identité soit vérifiée, a précise à l’AFP l’association Assistance aux étrangers aux frontières (Anafé). Portée comme majeure sur son passeport, elle est soupçonnée d’être mineure.
Un sauf-conduit valable huit jours a été délivrée pour l’ensemble des personnes libérées, leur permettant de faire des démarches en vue d’obtenir un titre de séjour ou l’asile politique.
Trois demandeurs d’asile ont été déboutés et ont déposé un recours vendredi matin auprès du tribunal administratif (TA) de Paris qui, en matière de demande de protection aux frontières, a une compétence sur tout le territoire, a-t-on appris auprès de la juridiction.
Une fois la requête enregistrée, le TA a 72 heures pour se prononcer. Son jugement peut être contesté dans un délai de 15 jours devant la cour administrative d’appel.
Devant la Cour d’appel de Paris, le ministère public a souligné que tous ces Haïtiens étaient munis de visas d’études au Bénin. Il a réclamé leur retour en zone d’attente, estimant qu’il s’agissait d’une « filière organisée d’émigration clandestine ».
Libéré mercredi, Wilfrid A., 27 ans, avait affirmé à l’AFP fuir son pays à cause de la « crise politique » qui prévaut sur l’île.
« Mon père est un militant (de l’opposition, ndlr). A cause de cette crise, j’ai perdu mon enfant », avait-il clamé.
« La France, c’est le seul moyen de sauver ma vie », avait assuré Marie-Gerda, 24 ans, libérée cette semaine et dont le père réside en banlieue parisienne.
Cette vague d’arrivées en provenance de Port-au-Prince intervient deux semaines avant le premier anniversaire du séisme qui a fait plus de 250.000 morts sur l’île.
Après ce drame, les autorités françaises s’étaient engagées à faciliter l’accueil des victimes en allégeant les conditions du regroupement familial et de délivrance des visas.
Haïti est par ailleurs en proie à une épidémie de choléra qui a déjà coûté la vie à plus de 3.300 personnes, et à une crise politique qui a suivi les élections présidentielle et législatives du 28 novembre.
L’annonce de premiers résultats très contestés avait provoqué des manifestations violentes qui ont fait plusieurs morts.
La publication des résultats définitifs vient à nouveau d’être repoussée et une mission de l’Organisation des Etats américains (OEA) a été dépêchée sur place pour évaluer « le processus électoral ».
Haïti – CIRH : Opacité de la commission et marginalisation des haïtiens
HAITI LIBRE – 31/12/2010 13:49:56
La Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH), avait lors de sa création, affirmée que la population haïtienne seraient informé dans la transparence, des projets de reconstructions approuvés. Dans les faits, nous sommes obligés de constater que la CIRH œuvre dans l’opacité et que la transparence dans l’information n’est nullement une de ses priorités.
Lors de la quatrième réunion de son Conseil d’Administration, tenue le 14 décembre à Santo-Domingo en République Dominicaine, la CIRH a annoncé l’approbation d’une nouvelle série de projets.
- Le Conseil de la CIRH a approuvé en séance 6 nouveaux projets (1)
- Le Comité exécutif a approuvé (hors séances) 12 projets entre 1 million et 10 millions de dollars (2)
- Le Directeur exécutif a approuvé 7 projets de 1 million dollars ou moins (3)
L’ensemble de ces projets, représente d’après l’information officielle de la CIRH, un montant total de 429.8 millions de dollars. Toutefois, l’étude des données disponibles, met en évidence un certain nombre d’incohérences et l’approbation de fonds pour des projets inexistants…
(1) – Approbation par le Conseil de la CIRH en séance de 6 nouveaux projets :
1- Projet des États-Unis (124 millions) et de la Banque Interaméricaine de Développement – BID (50 millions) pour un montant total de 174 millions de dollars pour un parc industriel de 150 hectares dans la région nord du pays, compétitif au niveau mondial. Dans sa phase 1 (2012-2014), ce projet accueillera environ 18,000 travailleurs dans l’industrie de l’habillement, pour atteindre 65,000 emplois permanents lorsque ce parc fonctionnera à plein régime. Ce parc sera la propriété du GOH et sera exploité par une société de gestion du secteur privé.
2- Un projet de l’USAID de 53,3 millions de dollars pour financer la construction de nouvelles communautés par des firmes de construction dans le corridor de développement du Cap-Haïtien (5.000 unités dans des sites différents) et le corridor de développement de Port-au-Prince (10.000 unités situés à Croix-des-Bouquets, Cité Soleil et Cabaret).
3- Un projet de l’USAID de 25 millions de dollars pour la démolition d’immeubles et l’enlèvement des déblais dans des quartiers spécifiques de Port-au-Prince, y compris Nazon, Christ-Roi, Ravine Pintade, Haut Turgeau et d’autres à déterminer. Ce projet permettra d’intégrer l’utilisation d’équipements lourds pour activer les travaux et accélérer la réinstallation des personnes déplacées.
4- Un projet de 22 millions de dollars du Canada pour la création, avec l’aide du Ministère haïtien de l’agriculture, d’un fonds de garantie et d’un système d’assurance pour l’agriculture.
5- Un projet de 10 millions de dollars de la Banque Mondiale qui fournira une assistance technique au Gouvernement haïtien dans la lutte contre l’épidémie de choléra en soutenant des activités immédiates de lutte contre le choléra, en offrant l’accès immédiat aux services de santé de base pour les populations affectées et les groupes vulnérables, et par l’intensification de la campagne de sensibilisation pour la promotion de la santé et l’hygiène et en vue d’améliorer l’accès à l’eau potable et l’assainissement.
6- Un projet de 10 millions de dollars des États-Unis pour la réhabilitation et la réinsertion des personnes handicapées tout en renforçant la capacité des institutions gouvernementales et non gouvernementales en vue d’offrir pour l’avenir une aide durable et efficace aux personnes handicapées.
(2) – 12 projets approuvés (hors séances) variant entre 1 million et 10 millions de dollars, approuvés par le Comité exécutif :
1 – Un projet de PRODEV de 2,5 millions de dollars pour un campus d’enseignement au Village Renaissance à Zoranje (Croix-des-Bouquets), conçu pour être reproduit dans des endroits stratégiques du pays. Ce complexe comprendra: une école allant de la maternelle à la 4e pouvant accueillir jusqu’à 480 élèves, un collège pour 500 élèves, une école de formation professionnelle offrant divers programmes d’études, tels que : agriculture et technologie de l’information, un centre culturel et un centre communautaire avec un cyber-café et une bibliothèque .
2- Un projet de la Banque Mondiale de 2,0 millions de dollars de création d’emplois afin que, au moyen de bourses / allocations cash, les adolescentes et jeunes femmes d’Haïti (15-24 ans) soient dotées d’outils sociaux et économiques intégrés à des modèles de développement des compétences afin d’accroître leur employabilité et leur potentiel de revenus dans le futur. L’objectif du projet est d’atteindre au moins 3.000 jeunes filles et jeunes femmes.
Seuls ces 2 projets ont été rendu publique, malgré des demandes répétées auprès de la CIRH, il a été impossible, jusqu’à présent, d’obtenir le détail des 10 autres projets et leurs coûts…
(3) – 7 projets de 1 million de dollars ou moins ont été approuvé par Le Directeur exécutif :
Malgré des demandes répétées auprès de la CIRH, il a été impossible jusqu’à présent d’obtenir le détail de ces 7 projets et leurs coûts…
Des projets fantômes et des millions dans la nature…
À partir des informations officielles, le montant total des projets identifiés s’élève à 298 Millions de dollars sur les 429.8 millions approuvés. Il reste donc une somme de 131.8 millions de dollars qui devrait correspondre au 10 projets approuvés par le Comité exécutif et aux 7 autres approuvés par le Directeur exécutif. Si l’on suppose que les 10 projets inconnus, représentent au total 100 millions (sans doute moins puisqu’il s’agit de projet entre 1 et 10 millions) et les 7 projets approuvés par le directeur exécutif à 7 millions (sans doute moins puisqu’il s’agit de projet inférieurs à 1 millions), le total de ces 17 projets représenteraient au maximum 107 millions de dollars, ce qui laisse une différence d’au minimum 24.8 millions de dollars approuvés, qui ne correspondent à aucun projet !
Ces millions dans la nature et l’impossibilité de savoir ce que sont ces projets, reflètent davantage l’opacité que la transparence promise initialement par la CIRH.
Marginalisation des haïtiens au Conseil de la CIRH :
Les 12 membres haïtiens qui siègent sur la commission se plaignent d’être systématiquement marginalisé dans le processus de décision. Ils ne reçoivent aucune information de suivi sur les activités de la CIRH, ni aucun document préparatoire aux réunions, ce qui ne leur permet pas d’étudier les dossiers, de les comprendre et encore moins de questionner ou d’apporter des réponses intelligentes. D’autres part, les membres nous font savoir que la sélection des consultants se fait à leur insu et que les changements dans les procédures relatives aux formalités concernant les projets changent sans préavis.
Compte tenu de cette situation ils ont écrit au Directeur exécutif afin d’expliquer comment les deux parties de la commission devraient travailler ensemble, mais cette démarche n’a été suivi d’aucune réponse ni changement. En résumé, les haïtiens sur le conseil de la CIRH se trouvent relégué au rang de figurants, leurs rôles se limitant à l’approbation des décisions prises par le Directeur et le Comité exécutif.
Bien que chaque membres haïtiens qui siège sur la commission, détient un droit de vote, il est fort probable, que devant les membres étrangers représentant les bailleurs de fonds, aucun représentant haïtien ne tient à être montré du doigt et tenu comme responsable devant la population pour le blocage d’un projet de reconstruction…
Point de vue
L’imposture des Nations unies en Haïti
LEMONDE.FR | 31.12.10 | 09h29
Jean-Philippe Belleau, professeur à l’université du Massachusetts à Boston
Il y a près d’un an, le tremblement de terre du mardi 12 janvier détruisait la capitale haïtienne et plusieurs centaines de milliers de vies. Micha Gaillard, militant des droits de l’homme, intellectuel, homme politique haïtien et fils du plus grand historien de l’île, était de ceux-là. Sa mort éclaire les maux antérieurs et postérieurs au séisme. Pendant deux jours, coincé au niveau des cuisses, il parvint, avec calme et courage, à parler avec ses amis venus l’aider mais qui ne trouvèrent jamais l’équipement minimum qui aurait permis de le tirer du ministère de la justice qui s’était effondré. Un Etat fonctionnel, cause pour laquelle il s’est battu toute sa vie, l’aurait peut-être sauvé. Surtout il n’aurait pas du se trouver là. Quelques minutes avant le tremblement, il se précipitait à l’intérieur d’un ministère entièrement vide, pour y déposer d’urgence des demandes de libération d’individus injustement arrêtés. Personne ne put l’accueillir, il se dirigea vers le bureau du ministre, au fond. Il y fut le seul mort. On ne peut que se réjouir que l’effondrement de treize ministères et du palais présidentiel ait fait moins d’une dizaine de morts. Il faut aussi avoir le courage de constater que dans un pays qui était déjà en crise, l’Etat n’était pas au travail.
Les soldats des Nations unies non plus. Ceux qui purent observer, dont l’auteur de ces lignes, la capitale dans les jours immédiatement après le séisme, furent frappés par l’absence des casques bleus. Ce fait, à ma connaissance, n’a pas été reporté par les médias européens et nord-américains. Sept mille soldats des Nations unies se trouvaient en Haïti avant le séisme, quatorze mille bras qui sont restés croisés dans leurs bases dans les deux jours cruciaux qui suivirent le séisme, y compris un bataillon de génie. Dans une interview encore disponible sur YouTube et qui semble tout droit sorti du XIXe siècle, Nelson Jobim, le ministre brésilien de la défense affirmait aux journalistes que « les Haïtiens » n’accepteraient jamais que des étrangers touchent des morts haïtiens, justifiant ainsi l’ordre surréaliste de rester passif.
Le fiasco le plus récent, l’épidémie de choléra, est aussi le fruit de cette alliance entre un Etat qui n’existe plus, si ce n’est par des têtes parlantes, et des institutions internationales qui n’assument pas leur mainmise, aboutissant à un pays de onze millions d’âmes sans véritable structure exécutive. D’autres désastres suivront, faute d’avoir su analyser les raisons de l’extrême vulnérabilité d’Haïti, de la mort clinique de l’Etat et le bilan déplorable de la communauté internationale.
L’ONU souffre en Haïti d’un discrédit dont les opinions occidentales ont peu l’idée. Quiconque ouvre un journal dans la capitale haïtienne se rend compte du fossé qui sépare la communauté internationale de cette population. (Qui sait d’ailleurs que Bill Clinton, qui occupe un poste central dans le dispositif international de « reconstruction », est, pour dire le moins, une figure controversée dans ce pays ?). Les colères ne dépassent malheureusement pas les rivages de l’île, car aujourd’hui, Haïti est un pays sans voix. Ses intellectuels ne parviennent pas à faire entendre leurs récits, si ce n’est au travers d’intermédiaires, reporters, exilés ou « experts ». Les médias francophones se rabattent sur de vieux écrivains exilés, qu’un sociologue haïtien appelle ironiquement « les intellectuels d’aéroports » et dont les récits trahissent la déconnection d’avec leurs compatriotes. Moins de quatre jours après le séisme, trois des plus grands intellectuels haïtiens en Haïti signaient un texte alarmant, noir de pessimisme, prédisant que, faut d’avoir dressé un vrai bilan, il n’y aurait pas de reconstruction et que les milliards de l’aide internationale à venir n’allaient, avec certitude, servir à rien. Aucun journal aux Etats-Unis n’accepta de publier un article aussi pessimiste ; en France, un seul. A-t-on le droit d’ailleurs de critiquer l’ONU en France ?
LE DROIT D’AVOIR UN ÉTAT
Cassandre avait raison : un an après le séisme, la reconstruction n’a pas eu lieu. Mais le fiasco des organisations internationales est aussi celui des médias internationaux qui, dans l’après-séisme, ont oscillé entre sensationnalisme et optimisme, mais jamais dressé le bilan déjà désastreux de l’aide en Haïti. Cela fait ainsi plus de dix-sept ans que les Nations unies ont une présence massive et presque ininterrompue en Haïti. Cela fait sept années maintenant que la présence des casques bleus et de la communauté internationale (plus de mille ONG !) en Haïti ne s’assume pas, tout en imposant ses choix économiques et politiques (y compris de premiers ministres). En autant d’années, ce pays a gagné sa place en enfer, aucune infrastructure sérieuse n’a été reconstruite et les espoirs d’un futur meilleur n’émergent que dans les discours des leveurs de fonds. Les Nations unies ressemblent à ces trous noirs des astrophysiciens. Rien ne semble ressortir du milliard de dollars consommé chaque année par sa mission de la paix en Haïti, si ce n’est un discours d’autolégitimation et d’autosatisfaction. Croire enfin que des expatriés, dont le salaire de base commence à près de onze mille dollars par mois net d’impôt, peuvent entretenir des relations autres que coloniales avec une population cassée et pas seulement paupérisée, relève du phantasme.
Les Nations unies ne sont pas, et de loin, les seuls responsables ; mais, à l’heure du bilan, force est de conclure que la solution est ailleurs. Qui croît donc qu’il peut y avoir une quelconque sortie de la pauvreté extrême, du naufrage, sans Etat, sans institutions, sans infrastructures ? Il manque la plus importante des infrastructures, un Etat. Depuis cinquante ans, celui-ci a constamment et consciemment été détruit par les gouvernants haïtiens eux-mêmes comme par une aide internationale soumise aux idéologies du jour et à sa propre incompétence. Le premier des droits de l’homme ne serait-il pas le droit d’avoir un Etat ?
LIVRES
Haïti : Rêves et cauchemar d’une jeune fille
ALTERPRESSE / vendredi 31 décembre 2010
Par Christophe Wargny
Critique du roman de Gary Victor, « Le sang et la mer »
Les songes des filles devenues jeunes filles sont comme les peintures naïves qui tapissent Port-au-Prince : ils ne s’embarrassent pas d’une réalité dure, triviale, féroce. Sans pitié. Notre héroïne, Hérodiane, est orpheline, pauvre, venue de la campagne, vit à Paradi, un de ces bidonvilles en pente où stationnent les ordures jusqu’au prochain orage. Le sens de la dérision n’a jamais manqué ici : les pires quartiers peuvent bien se nommer Manhattan ou Miami. Hérodiane est belle, de surcroît bonne élève, ce qui ne compense pas le fait d’être noire, très noire, un inconvénient dans un pays où le préjugé de couleur est partout sous-jacent. Elle s’est pourtant méfiée d’Yvan Guéras, riche mulâtre, oligarque à la peau claire, à la voiture et aux costumes clinquants. Il paraissait l’aimer. Il contredisait la prophétie lancée à Hérodiane par une religieuse : « Noire comme tu es, comment veux-tu que Jésus t’aime ? »
Variation sur le thème du prince charmant, où la couleur de la peau structure la société et l’imaginaire ? Gary Victor, considéré comme l’écrivain le plus lu dans son île, nous donne beaucoup à voir d’une société perverse et corrompue. La relation amoureuse se glisse ou se tort dans une société où la promiscuité insoutenable des moins nantis voisine avec les palais des ploutocrates. La relation amoureuse ? Plurielle : l’auteur s’essaie à aborder la relation homosexuelle, sereine et sublimée dans l’art, entre le frère d’Hérodiane et un peintre connu. Une relation qu’Hérodiane accepte mal, mais qu’elle finit par comprendre. D’autant que cette union-là est dépourvue des préjugés de classe et de couleur, autrement plus sereine que la violence qui sourd de sa relation avec Yvan.
Hérodiane est enceinte. Yvan ne veut pas de ce bâtard :
« — J’ai dix-sept ans, Yvan. _ — Je m’appelle Guéras, me rappelle-t-il. Toi, tu t’appelles comment ? Hérodiane… quoi ?Cela avait été une passe d’armes rapide. Une passe d’armes qui résumait mon lieu de vie, qui résumait notre lieu de vie, qui résumait notre désespoir à nous de Paradi de ce quart d’île maudite, notre abandon, notre souffrance, nos veines perpétuellement ouvertes, nos rêves détruits avant même qu’ils prennent forme. En lui rappelant mon âge, je l’avais menacé d’une poursuite en justice. Lui, il avait rappelé à mon souvenir que sa famille, comme toutes celles qui trônaient aux commandes de la première république noire, était au-dessus des lois, que j’étais inexistante, une nouvelle forme d’esclave qui avait moins de valeur qu’au temps de ses pères blancs. »
Les bidonvilles et leurs occupants sont la richesse des nantis. Gary Victor nous dit comment et pourquoi. Pourquoi il ne faut pas pour eux que ce monde change. Pourquoi, pour reprendre le titre du roman d’une illustre devancière, Marie Vieux-Chauvet, la société se résume à un tryptique, Amour, colère et folie (1). Amour rare et incertain quand les préjugés pèsent si lourds. Colère toujours contenue contre les prédateurs : parce que celui qui se plaindrait serait puni plus durement encore. Folie des castes dominantes, sûres qu’elles seules méritent un pouvoir dont elles abusent en toute impunité.
Pas facile en Haïti quand on ne peut trouver les quelques gourdes (la monnaie locale) pour payer le taxi qui mène à l’hôpital quand l’avortement tourne mal. Les uns croient à la prière, d’autres à une solidarité plus organisée. Cette société contemporaine, si voisine de la société coloniale pourtant vaincue, paraît-il, il y a deux siècles, l’auteur la peint avec force et réalisme. Optimisme parfois. Et nous dit comment, finalement, les jeunes filles peuvent parfois venger ce monde-là. Gary Victor, comme dans la douzaine de romans déjà publiés, ne prend son parti ni de la domination obscène de quelques-uns, ni d’un Etat, ou d’une absence d’Etat, toujours au service des mêmes.
(1) Réédité par les Editions Soley, 2005.
…………………..
LE SANG ET LA MER
Gary Victor
La Roque d’Anthéron, France, 2010, 184 pages
Le choléra en Haïti a fait 3.333 morts
AFP – 30/12/10
Des hôpitaux de Médecins Sans Frontières le 22 décembre 2010 à Sarthe en Haïti
PORT-AU-PRINCE — L’épidémie de choléra en Haïti a fait 3.333 morts depuis son apparition à la mi-octobre, selon un nouveau bilan du ministère de la Santé haïtien consulté jeudi par l’AFP et arrêté au 26 décembre.
Un précédent bilan, publié plus tôt jeudi et arrêté lui au 20 décembre, faisait état de 2.901 morts dues au choléra. Le nouveau bilan ne précise pas cependant si les 432 nouveaux décès comptabilisés sont intervenus depuis le 20 décembre ou sur une plus longue période.
Le nouveau bilan indique également que 148.787 cas ont été recensés dans le pays.
Le département de l’Artibonite (nord), où s’est déclarée l’épidémie, reste le plus touché, avec 828 morts, tandis que la capitale Port-au-Prince, où vivent dans des conditions très précaires de nombreux sinistrés du séisme du 12 janvier, déplore 281 morts.
Selon le ministère de la Santé de la République dominicaine voisine, le nombre de malades du choléra est passé à 139 dans le pays, mais aucun décès dû à la maladie n’y a été enregistré.
L’Organisation de l’ONU pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), basée à Rome, a indiqué mercredi qu’une partie « non négligeable » de la récolte de riz en Haïti risquait d’être perdue en raison « des appréhensions des paysans quant à une possible contamination par le choléra ».
L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), branche de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avait indiqué fin novembre qu’il pourrait y avoir jusqu’à 400.000 cas de choléra au cours des douze prochains mois, dont la moitié au cours des seuls trois prochains mois.
Le bilan du ministère de la Santé haïtien est diffusé alors que les Haïtiens attendent la publication des résultats définitifs du premier tour des élections présidentielle et législative du 28 novembre, qui avaient été marquées par des incidents et des accusations de fraudes.
Les funérailles « banalisées » de Mgr François Gayot indisposent des fidèles
Ni les autorités gouvernementales et parlementaires, ni le Nonce apostolique n’ont assisté jeudi dans la cathédrale du Cap-Haïtien aux ultimes hommages à l’Archevêque émérite de la ville et illustre représentant de l’église catholique haïtienne ; également absent, le président de la conférence épiscopale, Mgr Louis Kébreau, est en voyage à Rome
Radio Kiskeya / jeudi 30 décembre 2010
Les funérailles de l’Archevêque émérite du Cap-Haitien (nord), Monseigneur François Gayot, 83 ans, se sont déroulées dans une atmosphère indigne de la stature du prélat, jeudi à la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de la deuxième ville du pays.
Il s’agissait de la troisième cérémonie funèbre organisée en mémoire du disparu qui avait succombé à un malaise cardiaque le 16 décembre dernier à la clinique Gemelli de Rome.
Dans la cathédrale du Cap, une maigre assistance a suivi les obsèques marquées par l’absence très remarquée des autorités politiques et de certains des principaux responsables de l’église catholique.
En effet, les officiels du gouvernement, les représentants du Parlement, le Nonce apostolique, Bernadito Auza, et l’Archevêque métropolitain du Cap-Haitien, Mgr Louis Kébreau, également président de la conférence épiscopale d’Haïti, n’y étaient pas.
Ce dernier est en voyage au Vatican, selon les informations obtenues sur place par le correspondant local de Radio Kiskeya.
Le Président René Préval s’est fait représenter par Jean Rénal Clérismé, membre de son cabinet particulier.
Ancien prêtre catholique. M. Clérismé a décrit Mgr François Gayot comme un « missionnaire modèle et un monument » qui, dit-il, a su se battre pour le bien-être de son pays.
Le maire de la métropole du nord, Michel Saint-Croix, a fait une brève apparition à ces funérailles concélébrées par un autre Archevêque émérite du Cap-Haitien, Mgr Hubert Constant, et l’Evêque des Gonaïves, Mgr Yves Marie Péan.
Toutefois, les capois, témoins de plus de 25 ans de ministère de Mgr Gayot, ont noté avec satisfaction la présence d’une délégation de 87 prêtres venus des diverses paroisses du pays, de représentants de de la convention baptiste d’Haiti, de l’église adventiste du septième jour et de quelques responsables locaux de la Police Nationale.
Des fidèles catholiques n’ont pas caché leur indignation devant la banalisation dont a été victime l’une des grandes figures du catholicisme haïtien avant d’être conduite dans sa dernière demeure.
Ils attribuent cette honteuse cérémonie à la cloche de bois en partie aux « luttes d’influence » qui traverseraient aujourd’hui encore une église divisée.
Ces mêmes fidèles rappellent que le nom de Gayot a été maintes fois cité comme celui qui pouvait devenir le premier Cardinal haïtien.
« Ils l’en ont empêché et, aujourd’hui, ils l’humilient pour ses relations privilégiées avec le Vatican. C’est un scandale », ont-ils lancé à leur sortie de la cathédrale du Cap.
Certains sont allés jusqu’à douter de la présence dans le cercueil de la dépouille du disparu que les autorités religieuses ont refusé de montrer à cause des risques d’une supposée décomposition.
Ordonné prêtre en 1954, sacré Archevêque en 1988 et président pendant douze ans de la conférence épiscopale, Mgr François Gayot a été inhumé au cimetière des carmélites réservé aux religieux.
Né le 17 juillet 1927 à Port-de-Paix (nord-ouest), le prélat, connu pour son sens de la modération, de la compassion et de la parole juste, était considéré comme un brillant intellectuel et un sage qui a eu la capacité de survivre à plusieurs tempêtes politiques ayant agité son archidiocèse en un peu plus d’un quart de siècle d’épiscopat.
Derrière l’épidémie de choléra
Haiti-Choléra/Recontruction : De l’urgence à l’autosuffisance ?
Enquête
Dans le cadre du partenariat médiatique « Ayiti Kale Je »*, dont AlterPresse fait partie
P-au-P., 30 déc. 2010 [Ayiti Kale Je / AlterPresse] — Partout en Haiti, le gouvernement et les agences humanitaires mènent des campagnes d’éducation publique, distribuent de grandes quantités de chlore, en pastilles, en poudre ou en solution, et embauchent des gens dans les centres de traitement du choléra.
Le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon lance un appel à contribution de 164M$ pour combattre l’épidémie de choléra.
Les agences humanitaires tentent de fournir davantage d’eau de meilleure qualité aux 1300 camps de réfugiés du pays et dans les zones où les habitants puisent à même les cours d’eau.
Dans la capitale, la DINEPA et ses organisations partenaires, l’ONU et les ONG, mobiliseront une flotte de 32 camions vidangeurs des fosses de latrines autour des camps et des centres de traitement du choléra. La DINEPA et ses partenaires construisent au nord de la capitale un nouveau site de décharge des excréments – avec une fosse spécialement isolée à l’argile.
Or, même si le choléra était endigué, voire éliminé, une autre maladie hydrique pourrait facilement se propager à la grandeur du pays si rien d’autre n’est planifié à plus long terme.
Réformes avant le 12 janvier
Pendant plus d’une décennie, des acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux ont travaillé à diverses réformes du secteur de l’eau et de l’assainissement en Haïti. En 2009, le Parlement a finalement fait passer une loi pour créer une nouvelle agence nationale du secteur de l’eau : la DINEPA.
Cette agence, rattachée au Ministère des Travaux Publics, des Transports et des Communications, est chargée d’assurer à tous les Haïtiens la salubrité de l’eau et des installations sanitaires, dans les zones urbaines et rurales, en développant les services, en réglementant le secteur et en contrôlant ses acteurs – privés, publics, régionaux et locaux.
« Sa structure est comme une chaîne qui part de la capitale et qui passe par toutes les régions », affirme Pierre-Yves Rochat, responsable des programmes ruraux de la DINEPA, dans une entrevue accordée à « Ayiti Kale Je ».
Avant le séisme, la DINEPA travaillait à en implanter les structures régionales, à présenter des demandes de subvention et de prêt à la Banque interaméricaine de développement (BID) et d’autres bailleurs de fonds, et planifiait l’harmonisation et l’amélioration de l’eau et de l’assainissement.
Reconstruction, choléra et nouvelle stratégie nationale
Le séisme du 12 janvier a interrompu le développement de cette chaîne, évidemment.
Les mesures en faveur de l’assainissement et de la disponibilité de l’eau ont été prévues après le séisme dans le Plan d’Action pour Haïti, qui vise une couverture en eau potable de 60 % dans la capitale et de 73 % dans le reste du pays ; une couverture en assainissement de 58 % dans la capitale et de 50 % dans le reste du pays. Son coût est de 160 M $US.
Mais depuis l’éclosion du choléra, les plans de la DINEPA ont été bonifiés.
La nouvelle Stratégie Nationale de Réponses à l’Épidémie de Choléra propose des actions en 14 mois pour réagir à l’urgence immédiate et augmenter l´efficacité et la durabilité des interventions, à travers des mesures coordonnées dans le secteur de l’eau et de l’assainissement.
Selon le bureau de l’Envoyé spécial de l’ONU, les donateurs internationaux – tous les fonds sont donnés et non prêtés – se sont engagés à hauteur de 273 899 618 $US, dont une partie est déjà déboursée. (Ces sommes englobent certains projets d’avant le 12 janvier.)
La stratégie comporte trois phases : urgence, post-urgence et développement, et vise à :
* assurer que 6,5 millions de personnes aient accès, à un prix accessible, à des moyens de traiter l’eau, comme les pastilles de chlore ;
* assurer que les 600 à 700 systèmes de traitement des eaux, urbains et ruraux, soient chlorés de façon adéquate et systématique ;
* construire 150 puits et en mettre 500 autres aux normes ;
* analyser l’eau de tous les puits du pays et organiser une chloration systématique, au besoin ;
* établir des règles à l’intention des vendeurs d’eau potable par osmose inverse, et établir un système de traitement périodique de ces eaux ;
* faire campagne pour obliger les familles vivant dans les zones affectées par le choléra à construire des latrines (environ 500 000) avec l’aide du gouvernement ;
* établir quatre « centres de traitement des exécras » – en dehors de la capitale et dans trois autres grandes villes, mais idéalement en construire dix, soit un par département.
« La stratégie d’aujourd’hui est aussi la stratégie de demain », explique M. Rochat. « Nous devons travailler très fort et nous montrer très ambitieux, car le choléra qui ravage le pays est un signe que les choses ne peuvent rester ainsi. »
La DINEPA travaille aussi à harmoniser et à contrôler tous les acteurs du secteur de l’eau et de l’assainissement, notamment les ONG, en leur faisant signer un accord-cadre les engageant à se limiter aux projets qui s’inscrivent dans la stratégie nationale.
« Nous avons de nombreuses ONG dans le secteur de l’eau. Nous en avions beaucoup avant le 12 janvier, et nous en avons encore plus aujourd’hui… Toutes doivent travailler ensemble, avec une même stratégie, une même approche, et suivre des directives de la DINEPA », suggère-t-il. « C’est l’objectif du protocole, afin que toutes suivent les mêmes règles. »
La DINEPA joue également un rôle de leader dans le Cluster WASH (le Cluster sur l’Eau, l’assainissement et l’hygiène), un mécanisme regroupant l’État et les agences multilatérales et humanitaires.
Contrairement aux autres clusters (abri, coordination des camps), le WASH tient des réunions uniquement en français, qui sont présidées ou co-présidées par l’instance de l’État (la DINEPA), et publie presque exclusivement en français.
En plus de fournir les lignes directrices aux ONG, la DINEPA supervise et régit le secteur privé. Car si, selon la Constitution haïtienne (Article 36.5), les sources, les rivières et les ruisseaux « font partie du domaine public de l’État », M. Rochat explique que la DINEPA ne peut à elle seule assurer à tous les Haïtiens un accès à l’eau potable et des installations sanitaires.
« Nous avons un secteur privé très actif dans l’eau et l’assainissement, et c’est tant mieux car le secteur public ne pourrait fournir tous les services nécessaires, » note-t-il.
Mais l’idée de confier des services vitaux à des entreprises privées ou semi-privées (ONG) est risquée.
« L’eau est un bien public. Lorsqu’on commence à lier le secteur privé au secteur public, on avance en terrain glissant », admet le docteur Maxi Raymondville, du centre de traitement de choléra de Mirebalais. « Ce qu’il faut c’est un État fort, voire un code d’éthique de l’État, pour les diriger et coordonner leurs efforts. »
M. Rochat croit que la DINEPA est à la hauteur.
« La DINEPA élaborera des règles à suivre pour tous les acteurs. Si quelqu’un ne veut pas s’y soumettre, il faudra trouver une autre entreprise », assure-t-il.
Le 7 décembre, la a annoncé une directive afin que tous les camions-citernes de la capitale chlorent l’eau, et que, avec l’aide des ONG, les citernes soient régulièrement vérifiées. (Une fois que la directive et la surveillance de la chloration des camions seront implantées dans la capitale, elles seront mises à l’essai dans d’autres villes.)
Une autre directive est en développement et porte sur les excréments : où les enfouir, comment protéger les employés, comment désinfecter les camions, etc.
Pour l’instant, ces documents ne sont que des « directives » et non des règlements ou des lois qu’on doit respecter au risque de recevoir une amende.
« Ils n’entraînent aucune ‘contrainte’. Nous devrons les mettre en place, mais nous devons aussi avoir une façon de les faire respecter », admet M. Rochat.
Selon lui, l’objectif des réformes est que toutes les installations sanitaires et de traitement de l’eau deviennent « autonomes, y compris sur le plan financier ».
« Les gens devront payer pour tous les services – l’eau comme l’assainissement – mais ce sera à la mesure de leurs moyens. Nous avons un principe d’équité. Et le prix doit être juste », conclut-il.
La direction et les directives de la DINEPA présentent des risques et des dangers. Mais, il y a des signes encourageants, aussi. Mais la nouvelle agence, pourra-t-elle coordonner les acteurs privés, publics, locaux, nationaux, internationaux et les bailleurs de fonds en tenant compte des besoins des utilisateurs – le peuple haïtien – et leur garantir une eau potable et des services sanitaires à un prix accessible ?
Est-il possible pour l’administration publique, souvent faible et inefficace, et parfois corrompue, de vraiment réglementer le secteur privé dans l’intérêt public ? De mettre au pas les ONG et leur faire suivre une stratégie nationale ?
Le temps et le nombre de victimes du choléra le diront. [akj apr 30/12/2010 20:00]
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* « Ayiti Kale Je » (http://www.ayitikaleje.org/) est une initiative de partenariat médiatique en vue d’assurer des investigations journalistiques sur la reconstruction d’Haïti suite au séisme dévastateur qui a frappé le pays et fait 300.000 morts et autant de blessés.
Le Groupe Médialternatif est un des partenaires de cette initiative, à travers son agence multimédia AlterPresse (http://www.alterpresse.org/), avec la Société pour l’Animation de la Communication Sociale (SAKS – http://www.saks-haiti.org/). Deux réseaux participent également : le Réseau des Femmes Animatrices des Radios Communautaires Haïtiennes (REFRAKA) et l’Association des Médias Communautaires Haïtiens (AMEKA), qui est composé de stations de radios communautaires à travers le pays.